• les-forums.com
  • Support / Signaler
  • Créer un forum
  • S'identifier / S'inscrire
  • Fermer
Bienvenue sur ce forum mis à votre disposition par l'association Mouvement International pour une Ecologie Libidinale (M.I.E.L.) et ouvert le 21 juin 2006. Notre site : www.ecologielibidinale.org

MODE D'EMPLOI : Ce forum est ouvert à tous. Pour pouvoir poster un message et/ou créer un nouveau sujet de discussion il vous suffit de vous inscrire.
Le forum n'est pas modéré à priori. LES OPINIONS QUI SONT EXPRIMÉES SUR CE FORUM N'ENGAGENT QUE LEURS AUTEURS ET NE REFLÈTENT PAS LA POSITION DE L'ASSOCIATION M.I.E.L.
étudiants, chercheurs, enseignants... : vos recherches, entraide
Ecologie Libidinale
Recherche scientifique (7 topics, 24 messages)
Topic "Anthropologie et Ethnologie" (Messages 1 à 2 sur 2) Fil RSS des messages de ce topic
Dernier message par Madaglan, le 01/10 à 00:40:28
 
Bas de la pageTopics
 
Madaglan
Le droit des familles est antérieur et supérieur à celui de l'Etat, comme à celui des individus. La famille est la cellule essentielle; elle est l'assise même de l'édifice social. C'est sur elle qu'il faut bâtir. Si elle fléchit, tout est perdu; tant qu'elle tient, tout peut être sauvé.
inscrit le 19/09/2008
Image membre
le 15/10/2008 à 00:44:57
Acces au message Anthropologie et Ethnologie
Tous les Moso parlent la même langue, même s’il existe des différences locales. Ils croient aux mêmes dieux, font la même cuisine, chantent les mêmes airs, portent la même tenue vestimentaire. Pour tous les Moso, y compris les Moso patrilinéaires de Labei, la famille authentique moso, ce bloc social fondamental, est une large famille matrilinéaire.

 

Il va sans dire que, vue de l’autre côté des montagnes, cette famille moso ne peut que paraître fascinante. Les Moso ont la réputation d’être un peuple unique au monde, le seul à croire que le mariage détruit les familles. En fait, certaines formes de mariage ont probablement toujours existé dans la société moso et, depuis la révolution, les familles sont de plus en plus diversifiées, pourtant les mariages officiels et les familles nucléaires restent minoritaires. Hors des montagnes de Labei où les Moso sont donc patrilinéaires, la famille idéale est un groupe d’individus apparentés par la lignée maternelle –grand-mère, oncles maternels, mères, sœurs, filles et fils pour les femmes, nièces et neveux pour les hommes, cousins germains. Au cœur de cette famille, il n’y a pas de couple mari et femme ou père et mère, mais des frères et sœurs, des mères et des oncles maternels. La famille idéale ne doit pas se diviser, la propriété est commune et l’héritage passe simplement d’une génération à la suivante quand les filles succèdent à leur mère et à leurs oncles dans la maison familiale. En fait, c’est surtout autour du lac que se retrouvent les grandes familles matrilinéaires. Il arrive parfois que les membres d’une même famille se brouillent, et qu’un fils ou une fille fonde son propre foyer. Il peut arriver aussi qu’une famille devienne trop nombreuse, ou qu’au contraire elle n’ait pas de fille ni de fils. Selon la tradition, les Moso règlent ce genre de problèmes par l’adoption ou l’échange d’enfants.

Dans une famille matrilinéaire, les relations sexuelles entre les personnes apparentées par la lignée maternelle sont formellement interdites – une règle de  conduite qui est symbolisé par le fait que, dans la maison moso, seules les femmes ont une chambre particulière, la babahuago – la chambre des fleurs. Les personnes âgées et les enfants de moins de treize ans dorment dans la pièce principale, autour du feu, ou dans des lits en alcôve. Les hommes sont supposés coucher chez leurs amies. La tradition moso exige non seulement que les hommes ne couchent pas sous le même toit que leurs sœurs, elle interdit également toute allusion à la sexualité dans la maison familiale, y compris les plaisanteries et les chansons d’amour. Avant la révolution communiste, les fêtes traditionnelles et les danses fournissaient des occasions de rencontre et d’ébats sous les étoiles, mais les relations dans le cadre du foyer familial doivent rester discrètes. Les amants sont libres de passer du temps ensemble tout en demeurant dans leur famille respective, et ils sont libres d’avoir des relations amoureuses aussi longtemps qu’ils le désirent, mais ils ne parleront pas ouvertement de leur relation devant leurs propres enfants. Ces règles de comportements sont tellement strictes que, avant la révolution communiste, il n’était pas rare qu’on apprenne indirectement qui était son père, et même qu’on ne l’apprenne jamais. Et bien que les Moso aient deux mots qui signifient père, abo et ada, on s’adresse au père par le mot awu, qui signifie simplement « oncle ».

Les ethnologues chinois appellent la coutume de la visite plus ou moins fortuite ou ostensible le « mariage ambulant », un terme dérivé du mot moso sese, qui veut dire « marcher » au sens propre et « rendre visite » au sens figuré. Mais les sese n’ont pas grand-chose à voir avec le mariage. Ces relations peuvent être d’ordre strictement privé, et d’ordinaire de courte durée, ou elles peuvent être plus stables et reconnues, mais elles n’impliquent ni promesses, ni vœux, ni alliance de deux familles, ni la responsabilité commune des enfants, ni même la fidélité sexuelle. Bien sûr, il peut y avoir chez les Moso, comme partout, des jaloux et des cœurs brisés. Mais le code moral réprime les comportements négatifs et décourage les scènes de jalousie ou de désespoir amoureux. Bien que cela arrive, un amant déchu qui ne sait pas se contrôler devient alors vite ridicule. Seuls le désir mutuel et l’affection doivent décider de la durée des relations amoureuses. Tant et si bien que les premiers fonctionnaires chinois qui découvrirent les Moso dans les années cinquante furent abasourdis par le nombre d’amants que femmes et hommes disaient avoir eu, et cela sans aucun complexe apparent.

En fait, du point de vue moso, ces échanges renforcent la stabilité de la cellule familiale. Car, en présumant que les relations sexuelles ne sont pas durables, les Moso limitent les rapports amoureux aux heures de repos, et ils ne permettent pas que l’amour s’immisce dans la vie économique de la famille ou qu’il concurrence les liens entre frères et sœurs ou mère et enfants, qui sont au cœur des relations de la vie de famille.

 

Les hommes et les femmes ont la charge de sphères religieuses différentes. Les femmes offrent les libations aux divinités domestiques et aux ancêtres, tandis que les hommes participent aux cultes organisés comme le bouddhisme ou le daba (bien qu’il soit fort probable que les femmes aient eu un rôle actif dans cette tradition à une époque antérieure). Il est aussi important de souligner que, selon les circonstances et les familles, les rôles domestiques ne sont pas toujours strictement répartis, et au cours des dix dernières années la sociétés moso a énormément changé.

 

Contrairement à ce qu’en disent les médias, la société moso n’est certainement pas gouvernée par les femmes. Les familles moso restent en majorité unies par le lien maternel, mais cela fait de la société moso une société matrilinéaire et non pas un matriarcat.

Mais si la société moso n’est pas matriarcale, elle n’en est pas moins remarquable. Dans de nombreuses sociétés, y compris les sociétés dites patriarcales, les femmes ont souvent beaucoup plus de pouvoir que les conventions sociales voudraient le laisser croire. On parle ainsi de « maîtresses femmes », et il est certain que de tout temps des femmes intelligentes, belles, fortes de caractère, ou simplement ambitieuses et rusées, ont su obtenir des pouvoirs sur les hommes, alors que d’autres ont tyrannisé leur famille et leur mari. Mais les femmes moso n’usurpent pas un pouvoir dont la société aurait investi les hommes. Elles sont des chefs de famille légitimes, et aussi les responsables de la fortune de la famille, les copropriétaires de la maison familiale, les gardiennes du culte des ancêtres et de leur lignée. Elles ont enfin des droits impensables dans de nombreux endroits au monde et le libre choix dans le domaine de la sexualité. Il ne fait pas de doute que le système des « mariages ambulants » fait des Moso un peuple extraordinaire. Car ils ont résolu le problème universel du désir sexuel et de la réconciliation entre l’amour et la nécessité d’assurer la continuation de la lignée et la vie économique de la famille.

Il est certain que le mariage, quelle qu’en soit sa pratique, exige des accommodements. Dans les sociétés patrilinéaires et patriarcales, le mariage aurait tendance à sacrifier l’amour, et certainement la liberté sexuelle (et, plus généralement encore, la liberté sexuelle féminine). Dans les cas extrêmes, le statut et la légitimation des patrilignages dépendent tout entiers de la maîtrise sans partage du comportement sexuel féminin – une exigence à laquelle les femmes ne se plient pas par simple penchant naturel. Ce type de société œuvre pour le contrôle de la sexualité féminine à travers diverses formes d’exclusions sociales, religieuse, politique et économique, auxquelles peuvent s’ajouter des mesures symboliques, telles, parmi les plus controversées : les petits pieds, l’excision, le sacrifice des veuves, la burka…

En ce qui concerne le mariage moderne, qui est fondé sur l’idéal de l’amour, de la compatibilité sexuelle et de l’égalité des conjoints plutôt que sur les intérêts des lignées et de la propriété, ce sont l’équilibre économique et l’unité de la famille qui risquent d’éclater. Comme les statistiques du divorce en témoignent, l’amour sexuel est un bel idéal mais une base fragile pour établir des mariages durables. Et, dans nombre de mariages heureux, l’amour du début durent par habitude, par attachement au confort matériel, et pour d’autres raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’idéal de la passion amoureuse.

Les Moso ont fait un choix culturel atypique : ils n’ont sacrifié ni la liberté sexuelle, ni l’amour, ni la sécurité économique de leur famille, ni même la continuation de leur lignée. Ils ont simplement abandonné le mariage. Ils y ont gagné une société où le nécessaire vital (la nourriture, l’affection, la propriété et la descendance) est un droit de naissance obtenu par le lien le plus évident possible et qui n’est autre que le lien maternel. Et il est intéressant de remarquer que les hommes se disent aussi satisfait que les femmes de ce système de filiation qui les libère de la responsabilité d’assurer une descendance, parce que, avec de nombreuse sœurs à la maison, les familles moso sont presque certaines de pouvoir engendrer une nouvelle génération.

Les représentants moso sont d’avis que cette coutume est le meilleur moyen d’établir le bonheur et l’harmonie. Les coutumes de visite, disent-ils, conservent l’innocence et la joie dans les rapports entre les hommes et les femmes, et les gens qui vivent dans des familles matrilinéaires ne se disputent pas comme les gens mariés. On peut le croire, car de nombreux Moso ont fait l’expérience du mariage sous la pression des autorités communistes, et la plupart l’ont abandonné. Mais les Moso sont conscients des attributs positifs de leur culture parce qu’ils ont eu plus d’une occasion de réfléchir à ses avantages – ce que les autorités communistes manquèrent absolument de faire. Pour ces derniers, la coutume moso n’était qu’un mode féodal arriéré qui n’était pas compatible avec l’idéal socialiste.

 

Le gouvernement avait envoyé des brigades de soldats et des fonctionnaires dans leurs vallées pour rééduquer le peuple – parce que les Moso mettaient tout en communauté, même leurs amants, et ce communisme primitif, qui était un danger pour la santé publique et une verrue sur la face de la Chine moderne, ne correspondait pas à la vision de leur grand leader Mao Zedong.

En fait, ils avaient entendu ces arguments à maintes reprises. Pour ainsi dire tous les ans depuis la libération, des fonctionnaires du Parti se rendaient à Yongning pour haranguer les gens sur les dangers de la liberté sexuelle et les avantages du mariage et de la monogamie. Une fois, ils avaient même apporté un group électrogène pour faire passer un film sur des gens qui étaient déguisés en Moso, des gens au dernier stade de la syphilis, qui étaient devenus fou ou qui avaient perdu la moitié de leur visage – alors les villageois avaient mis le feu au cinéma.

Les fonctionnaires tenaient des réunions politiques tous les soirs, où ils haranguaient, critiquaient et interrogeaient les gens. Et, une fois, ils ne repartirent pas chez eux. Ils tendirent des embuscades aux hommes qui rendaient visite à leurs amies. Ils tirèrent les amants de leur lit et les exhibèrent, nus, devant les membres de leur famille. Ils donnèrent l’ordre aux amants de construire leur propre maison alors qu’aucun n’en avait les moyens, pour qu’ils y vivent ensemble comme les couples mariés le faisaient partout ailleurs en Chine. Finalement, les fonctionnaires refusèrent de distribuer les bons de rationnement pour les suppléments de céréales et les bons de tissu pour les habits des enfants tant que les mères ne leur fourniraient pas les noms des pères de leurs enfants.

Les Moso protestèrent. Ils prirent la parole pendant les réunions pour expliquer leur mode de vie et les coutumes de leurs ancêtres. Mais les fonctionnaires ne cédèrent pas et les gens arrêtèrent de protester. Les hommes restèrent chez eux. Ils n’osaient plus sortir la nuit pour rendre visite aux femmes. Mais les fonctionnaires tenaient bon. Ils attendaient le moment des semis ou celui des récoltes, quand les femmes devraient se décider pour les rations de graines et pour les autres choses dont les enfants avaient besoin et que le gouvernement fournissait. Et ils attendirent longtemps, jusqu’à ce que de nombreuses personnes acceptent de vivre comme mari et femme et de prendre part aux cérémonies de mariage commanditées par le gouvernement, où chacun reçut une tasse de thé, une cigarette, des sucreries et un certificat en papier.

 

Sans doute les seigneurs féodaux firent-ils de leur mieux pour encourager le système de famille matrilinéaire. On trouve aujourd’hui les grandes familles maternelles dans les centres politiques de l’ancienne seigneurie et non pas dans les montagnes de Labei. Durant la période féodale, les hommes rendaient visite aux femmes et, mise à part la lignée des seigneurs, toutes les familles, y compris les familles aristocratiques, tenaient compte de leur lignée maternelle. En fait, les seigneurs de Yongning perpétuaient ces coutumes par de nombreux moyens : les proverbes et les chansons folkloriques qui prônaient les avantages et la vertu morale de la famille matrilinéaire et indivisible ; le parrainage des cultes rendus à la déesse de la Montagne et à d’autres divinités féminines ; les taxes et les corvées imposées aux maisons sans tenir compte du nombre de personnes par famille, et qui encourageait les familles à rester unies sous un même toit.

Les anthropologues Shih Chuankang et Cai Huan sont d’avis que les seigneurs moso se succédèrent d’oncle maternel à neveu, c’est-à-dire par la lignée maternelle, jusqu’au XVIIIèS. Les Moso peuvent légitimement revendiquer un passé remarquable et plus  ancien que la conquête mongole (cf Christine Mathieu, A History and Anthropological Study of the Ancient Kingdoms of the Sino-Tibetan Bordeland – Naxi and Mosuo, Lewiston, Edwin Mellen Press, 2003). Yongning, en effet, est situé à la frontière méridionale d’un ancien royaume des tribus Qiang que les chroniques impériales de la dynastie des Sui (581-618) et des Tang (618-907) appelaient le Royaume des femmes (Nü guo). Ce royaume était bien un matriarcat. Les documents chinois contiennent des détails très précis sur son emplacement géographique, nommant les rivières, les fleuves, les villes, les frontières territoriales, et ils fournissent aussi des informations sur l’organisation économique et politique. Le Royaume des femmes était gouverné par des reines et un Conseil d’Etat où siégeaient exclusivement des femmes ministres. D’après les chroniqueurs chinois, les hommes étaient peu estimés car ils portaient le nom de leur mère, cultivaient la terre et faisaient la guerre. Enfin, on apprend dans ces documents les noms de plusieurs reines qui payèrent le tribu à l’empereur de Chine, et parmi lesquels on trouve le nom de Ngue, qui n’est autre que celui de l’aristocratie de Yongning et qui n’existe pas chez les Naxi de Lijang.

L’anthropologie ne croit pas au matriarcat. Elle croit plutôt qu’il existe de nombreux mythes sur ce sujet – parmi lesquels on devrait bien ranger le communisme primitif proposé par Engels dans son Origine de la famille. Mais le Royaume des femmes n’est pas un mythe. C’était un Etat parmi d’autres dont les chroniques chinoises ont conservé la mémoire. Après les guerres sino-tibétaines du IXè siècle qui ébranlèrent le contrôle des empereurs Tang sur les frontières occidentales, les archives chinoises ne parlent plus du Royaume des femmes. Il est possible que le royaume ait été détruit dès cette époque à la suite des nombreux conflits, mais il est tout aussi possible que les chroniques chinoises n’en fassent plus mention simplement parce que la relation de vasselage avec la Chine était rompue. Certains indices suggèrent que les Ngue s’installèrent dans la région de Yongning vers la fin de la dynastie des Tang (902). Il va sans dire que le Royaume des femmes n’explique pas seulement les différences culturelles entre les Moso et leurs voisins, y compris les Naxi, mais il démontre l’existence du matriarcat pour l’anthropologie.

 

A la fin des années quatre-vingt, les Moso étaient pratiquement inconnus en dehors de la Chine occidentale et ce pour plusieurs raisons, dont l’isolement géographique, mais aussi parce que, après la révolution, les Moso n’avaient pas de nom à eux. Ils étaient simplement reconnus comme Naxi. L’éloignement est un aspect important du pays moso car nul n’a besoin de s’aventurer trop loin en dehors des sentiers battus pour découvrir des villages pittoresques sans eau courante ni électricité, et qui dépendent du troc et du transport à dos de cheval. Parmi ces hautes montagnes, où les produits de consommation et les infrastructures modernes sont visiblement absents, l’illusion de revenir au passé est pour ainsi dire parfaite. On a l’impression que l’Histoire elle-même s’est arrêtée. Mais les apparences sont trompeuses. Car les Moso n’ont jamais été complètement coupés du monde extérieur, ni entièrement à l’abri des grands bouleversements historiques qui ont secoué la frontière sino-tibétaine au cours des siècles, et ils ne sont pas restés en marge de la libéralisation et de la mondialisation de l’économie.

Tant de chose ont changé depuis la révolution de 1949. Tant de choses ont changé pour la Chine, mais aussi pour les Moso. Alors que la Chine s’est urbanisée, qu’elle s’est enrichie et ouverte au reste du monde, les nouvelles de la culture moso se sont répandues au-delà du Yunnan, dans le reste du pays, et enfin dans le monde entier. Aujourd’hui, les journalistes et les cinéastes étrangers peuvent parcourir le pays moso en toute liberté, et même les ethnologues occidentaux peuvent désormais faire des recherches sur le terrain et vivre chez l’habitant aussi longtemps que leur visa les y autorise. En 2001, l’ethnologue américaine Eileen Walsh a été la première à achever une thèse de doctorat reposant entièrement sur une résidence à long terme, et à rejoindre ainsi les deux spécialistes d’origine chinoise Shih Chuan-kang et Cai Hua, dont les études sur le terrain avaient été parrainées par des université américaine et française. Mais la grande majorité des visiteurs au pays moso ne sont pas des anthropologues ou des journalistes. Ce sont les touristes chinois et étrangers qui se rendent à Yongning par milliers et qui se font de plus en plus nombreux chaque année. La plupart ne restent que quelques jours, juste le temps de regarder, de faire un petit tour à dos de cheval, de ramer sur le lac, de chanter et de danser autour des feux de camp, et bien sûr de s’interroger sur ce que peut être la vie dans une société sans père ni mari, où l’amour est libre et où les femmes font la loi – et d’y voir là exotisme, innocence ou libertinage, suivant les dispositions de chacun vis-à-vis de la sexualité et de la morale.

On rencontre très peu de gens au pays maso qui ne pensent pas que le tourisme est le meilleur moyen d’améliorer le niveau de vie. Mais le tourisme peut-il seul suffire au développement économique à long terme et, entre autres choses, à arrêter l’émigration des jeunes vers les villes ? S’il ne le peut pas, alors que faire ? Et s’il le peut, quel sera le prix de ce développement ?

 

La tradition moso serait en voie de disparition selon certains médias, et le tourisme contribuerait à ces changements radicaux. En réalité, l’industrie du matrilignage rend la modernisation dépendante du passé et de la préservation culturelle. A cela, on doit ajouter que, depuis la révolution communiste, les coutumes de visite et la famille maternelle ont acquis une valeur qui dépasse les valeurs de marché, car ces dernières symbolisent à présent ce qu’il y a de meilleur dans la tradition, et le point de ralliement de l’identité moso. Et cela ne fait que renforcer la volonté des responsables moso de préserver leur culture. Les Moso disent souvent que le futur est derrière nous et que le passé est devant nous. Ils signalent par là que la passé est ce que l’on connaît, et donc qu’il est bien devant nos yeux, alors que le futur est derrière nous parce qu’on ne peut le voir. Cela me fait penser à ces images sacrées de serpents qui se mordent la queue, et qui nouent ainsi le commencement et la fin, dans un geste de régénération éternelle. Cela m’évoque enfin la force de ce système de famille qui au cours des siècles a surmonté les épreuves de l’Histoire, le génie unique de ce peuple qui a fait de la liberté d’aimer le gardien de son bonheur collectif. Un peuple qui dans aujourd’hui autour des feux de camp, bras dessus, bras dessous avec les visiteurs curieux.

   

Christine Mathieu

 Extrait de Adieu au lac Mère, page 110 et 307 à 323.

Ed. Calmann-Lévy

Voir le profil de l'auteur Editer le message
Madaglan
Le droit des familles est antérieur et supérieur à celui de l'Etat, comme à celui des individus. La famille est la cellule essentielle; elle est l'assise même de l'édifice social. C'est sur elle qu'il faut bâtir. Si elle fléchit, tout est perdu; tant qu'elle tient, tout peut être sauvé.
inscrit le 19/09/2008
Image membre
le 01/10/2009 à 00:40:26
Acces au message Anthropologie et Ethnologie
« Tous les membres de la gens indienne sont des hommes libres, tenus de protéger leur mutuelle liberté, égaux en droits personnels ; ils forment une collectivité fraternelle, unie par les liens du sang. Liberté, égalité, fraternité, sans avoir jamais été formulés, étaient les principes fondamentaux de la gens, et celle-ci, à son tour, était l’unité de tout un système social, la base de la société indienne organisée. Ceci explique l’indomptable esprit d’indépendance et la dignité de l’attitude personnelle que chacun reconnaît aux Indiens. »

Lewis Henry Morgan
Ancient Society, p491-492

Message modifié le 01/10 à 00:41:00 par Madaglan.

Voir le profil de l'auteur Editer le message
 
Haut de la pageTopics
 
Ajout de messages impossible Vous ne pouvez pas ajouter de messages.

Ecologie Libidinale

  • Créé le le 14/06/2006
  • Administrateur : MIEL
  • 571 topics
  • 10232 messages
  • Flux RSS Flux RSS

Membres

  • 490 membres
  • Dernier membre : CooperBateson

Informations

  • Version 2.7
  • Page générée :
    • en 0,077 secondes
    • le 17/01 à 07:57:27

les-forums.com

  • 41224 forums
  • 560796 topics
  • 9249053 messages
  • 191430 membres
  • Crééz votre forum gratuit
  • Support
  • FAQ

Autres liens

  • Twidi.com
  • Twitter Twidi